Notre équipe de nationale 2 vient de remporter une belle victoire face au puissant club de Rouen. Notre « sélection » solide est composée de Frank (2127), Jorge (2194), Marc (2205), moi-même (2103), Olivier (2086), Julio (2069), Bertrand (2087) et Mathilde (non-classée, pour peu de temps encore) et doit faire face à une équipe de Rouen venue en force pour gagner le match. Ils alignent en effet la meilleure équipe possible pour faire face à nos champions : 3 joueurs classés entre 2205 et 2297 aux trois premiers échiquiers sont là pour prendre l’avantage à l’avant, tandis que l’arrière de l’équipe (où j’espérais que nous pourrions tirer notre épingle du jeu) se révèle des plus solides, avec un septième et dernier échiquier à 2095 ! Leur féminine doit de son côté être un peu fragile, ayant perdu beaucoup de parties depuis le début de l’année (le groupe est si difficile !).
Comme d’habitude, nous ne partons pas favoris sur le papier, mais comme notre habitude cette saison est aussi de battre les plus forts (Saint-Quentin et Le Chesnay en ont déjà fait les frais) je compte sur mes joueurs facétieux pour une fois encore se moquer du destin.
Et pourtant, je ne suis que peu confiant pendant la première moitié du match :
– Frank au premier échiquier, avec les noirs, rentre dans une sicilienne difficile à défendre,
– Jorge au second échiquier avec les blancs ne semble pas obtenir grand chose dans sa Catalane face à Medghoul
– Marc sort visiblement de l’ouverture avec une position critique (pour ne pas dire complètement perdante !)
– Je fais face à un 2140 avec les blancs au 4ème échiquier, un certain LeBrun qui me joue un gambit de Budapest que je ne maîtrise pas du tout…cela m’apprendra à me préparer de travers,
– Le petit roque d’Olivier va rapidement subir une forte attaque puisque la colonne g est complètement ouverte pour les tours blanches. Son contre-jeu sur l’aile-dame (en particulier sur la colonne c) ne m’inspire guère confiance, la position du roi blanc au centre me semblant beaucoup plus sûre que celle de son homologue en g8,
– Bertrand joue une solide partition dans sa Grunfeld, mais rien ne laissant espérer un clair avantage non plus, son adversaire jouant assez juste.
– Mathilde avait une bonne position au sortir de l’ouverture, prometteuse, mais un coup de pion malheureux (figeant sa structure de pions sur des cases de même couleur que son dernier fou) la laisse très passive. Les noirs ont vite gagné un pion en ouvrant au centre, et rien ne va déjà plus au bout de 2 heures.
Mais de son coté (le 6ème échiquier, et non l’amérique latine) et dans une sicilienne où le combat est total depuis le 8ème coup, Julio place une pointe tactique qui gagne une pièce immédiatement, et la partie (!) dès le 15ème coup. Son adversaire visiblement abasourdi jettera les pièces sur l’échiquier avant de disparaître définitivement dans les minutes qui suivront.
Quand Mathilde s’incline avec une pièce de moins, Olivier en profite pour contrer définitivement son adversaire et je prends dans le même temps un avantage décisif sur mon adversaire.
Un peu stressé par le zeitnot (4 minutes pour 13 coups), je joue 27.Td7 Tc8 (27…Txd7?? et le pion va à dame) 28.b5 a6 et je trouve le gain avec le sacrifice de qualité 29.T2xd5! après quoi Le Brun a préféré jouer 29…Fe6 (plutôt que 29…Fxd5 30.Fxd5+ Rf8 31.bxa6 Ta8 32.a7 Tc5 33.Tb7! +- et les blancs gagnent), parant la menace des blancs de gagner le fou par 30.Td8+ mais je finis par 30.Td8+ Rf7 31.Txc8 Fxc8 32.Td8 Fe6 33.bxa6 et mon adversaire abandonne car les pions a6 et c6 sont trop forts.
Incroyable, nous menons 3 à 1 mais le match semble toujours indécis puisque je vois Frank et Marc s’incliner, tandis que les positions de Jorge et Bertrand ne montrent pas vraiment d’espoirs de victoire clairs. Mais il ne faut décidément pas sous-estimer la hargne et l’opiniâtreté de Marc qui s’accroche, et finit par compliquer grandement la partie…
Le temps passe et nos espoirs grandissent quand Bertrand achève la défense de son adversaire. Une finale de tours et pions complexe dans laquelle il a su contenir les mouvements de son adversaire jusqu’à une conclusion technique bien exécutée.
Marc a maintenant complètement égalisé et s’énerve de voir son adversaire refuser la nulle (probablement « pour l’équipe ») dans une finale 2 pions + cavalier contre matériel identique. Il finit même par avoir un pion de plus et son adversaire ne se sauve qu’en appliquant à la lettre les préceptes de l’opposition. Un joli résultat quand on sait qu’il a échappé au 40ème coup à un mat en 4 coups !
A ce moment nous ne pouvons plus perdre, et tandis que la défense acharnée de Frank craque, Jorge convertit son avantage dans une autre finale de tours épique, nous apportant un cinquième point. Nous rentrons donc de Normandie avec un joli score : 5 à 2 en notre faveur.
Un dernier mot sur le classement général…
Cette belle victoire sur un des favoris nous rassure, mais dans le même temps, la plupart des clubs de tête se sont inclinés tandis que les plus compromis ont gagné, resserrant le groupe encore plus ! Nous voici avec 14 points à la sixième place ex-aequo à mi-chemin des premiers (ayant l’espoir de monter en N1 l’année prochaine) qui « caracolent » en tête avec 16 petits points et des derniers (les « relégables » qui craignent la descente en N3) ayant tout-de-même 12 points !
Seules quatre rondes restent à jouer et départageront (ou pas) tous les valeureux clubs de notre groupe. Incroyable suspense !
De notre côté, le ciel est loin de se dégager puisque dans les 4 dernièrs matchs nous affronterons notamment les premiers du classement (le terrible club du Vézinet et le JEEN). Nous aurons aussi à faire face à deux autres clubs dangereux, Bois-Colombes et Grand Quevilly. Tout peut arriver, il est amusant de se dire que pour le moment, et ce si près de la fin de la saison, nous ne savons toujours pas si l’année prochaine se jouera en N3, N2, ou même pourquoi pas en N1 !
Par Guillaume Lestrelin